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frouchetouloumes
24 janvier 2011

le souffle court

Je ne fume plus. Trois ans déjà. Aujourd'hui encore, je me réjouis de cette liberté retrouvée un jour sous hypnose. Le sevrage n'était pas l'objet des séances. Non. Je n'en demandais pas autant. Je tentais de reprendre mon souffle après ces années vécues en apnée. Un aprés-midi, j'arrive haletante et très en retard au rendez-vous. Et le Monsieur ne plaisante pas avec la ponctualité de ses patients. Avant que je lui annonce la crise  d'asthme dans le métro, il me conseille froidement de prendre un petit coup de Vent&Line. Inutile d'attendre le moindre signe d'empathie, c'est pas son truc.   Trois mouvements des yeux de haut en bas, la voix qui suggère de lâcher prise... et j'entre sans résistance dans ce curieux état de sommeil éveillé. Le docteur V ne prend pas de pincettes:  "j'ai choisi de soigner par des thérapies courtes. Nous travaillons ensemble depuis 6 mois, et je ne vois aucune amélioration. Vous collaborez avec votre maladie. Moi, je collabore avec ceux qui résistent. Si ca vous tente de passer 10 ans sur le sofa d'un psy... changez de thérapeute.  Il faut faire un pas, aujourd'hui. Je vous propose de prendre la décision d'arrêter de fumer. Vous pouvez refuser mais alors il est inutile de reprendre rendez-vous".  Sous hypnose, on ne peut pas mentir. D'ailleurs il m'arrivait souvent d'être incapable de répondre à ces questions. Je n'avais rien à dire, tout simplement. Et le sommeil m'empêchait de faire semblant de m'intéresser à ce qui se passait. Ce jour là, après un silence qui m'a semblé très long, j'ai dit oui.  Et je suis sortie de son cabinet convaincue que je n'y reviendrai pas. En bas des escaliers, sous le porche, il y avait une poubelle. J'y ai jeté tout mon tabac spontanément.  Le soir, je rentrais en Provence. Et sans y avoir réfléchi, j'ai fait le ménage dans mes placards. Aux ordures:  briquets, allumettes, cendriers. Avant de monter dans la chambre du haut, j'ai laissé un petit message à Bubu, mon assistante: "Bonne nouvelle, je ne fume plus. Mauvaise nouvelle: la maison est non fumeur". Voila. Pendant quelques mois, la simple vue d'un paquet de cigarettes me flanquait le vertige. C'était comme une flaque de sang après un accident.  Mais chaque jour, j'étais joyeuse de porter mon nouvel habit., Je ne sais pas comment exprimer ce sentiment de liberté. J'avais fumé trois à quatre paquets pendant plus de 30 ans. J'avais parcouru des kilomètres pour trouver un tabac ouvert, la nuit, les jours fériés. La clope était mon premier geste du matin, ma prière du soir. L'envie de fumer me réveillait, quand je dormais. Et pourtant, Je n'ai pas ressenti la moindre sensation de privation. Je n'ai eu besoin d'aucune compensation. Il me reste de mes années enfumées le souffle court et des noyades quotidiennes. A chaque effort, j'étouffe, je cherche l'air. Un escalier, la nécessité de presser le pas, les premières brasses... tout commence dans un souffle court. 

PS: l'écriture est difficile ces derniers temps. Rien ne coule de source, les mots viennent hâchés, comme le texte d'un telex. Mais je persiste. 

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Commentaires
F
ce sont SES mots.... j'abuse.
F
A Hermione...ce sont ces mots et je les trouve toujours aussi juste. J'ai longtemps été complaisante avec la maladie. Tant mieux pour la clope... le pire est cette privation de liberté que l'on s'impose au nom de la liberté (souvent). <br /> <br /> A Cloudy... Le docteur V a tout le mérite. Quelques séances plus tard, alors que j'étais non fumeur et heureuse de l'être, il m'a avoué qu'il avait pris un risque en étant aussi dur avec moi. Il pensait que je pouvais supporter le choc. Et la je dis: bravo.
C
Tout est fluide à lire pourtant, rapide, comme un tourbillon, comme la décision prise d'arrêter de fumer. J'aime bien ce rythme.<br /> Ce docteur V est un magicien... à moins que ce soit la patiente ;)
H
C'est intéressant cette phrase "vous collaborez avec votre maladie".<br /> Moi la clope je n'ai jamais pu. Même quand j'étais étudiante, je me forçais pour faire comme tout le monde mais ça me dégoutait. Une chance finalement...
frouchetouloumes
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